ClassiyKeo: Julien Delhom


Deux hirondelles font le printemps

Comme le ciel toulousain, et en dehors des quelques minutes D’un matin de printemps de Lili Boulanger au tout début de la soirée, le programme qui comprend le Concerto pour violon de Robert Schumann et la première symphonie de Brahms a plutôt des couleurs d’automne que de printemps. Le printemps annoncé est donc surtout apporté d’outre-Rhin par les deux fleurs au centre de la soirée : Anja Bihlmaier et Isabelle Faust. Leur interprétation est à l’image de cette saison. Tout comme le printemps revenant chaque année, elle s’inscrit dans une tradition séculaire héritée des maîtres germaniques. Et pourtant, tout comme le printemps, elle émerveille comme la première fois par sa fraicheur, sa poésie et sa sensibilité. Les deux femmes avec l’orchestre donnent ainsi à entendre pour cette soirée un jardin florissant de myriades de parfums complexes, sombres comme ensoleillés.

D’un matin de printemps, la pâquerette : légère et lumineuse

Anja Bihlmaier dirige de gestes amples et souples, tantôt avec baguette tantôt sans. D’un matin de printemps de Lili Boulanger fait l’effet d’une mise en bouche à la fois pétillante et sophistiquée qui éveille la curiosité de l’auditeur sur la suite du programme. Sans temps mort ou silence exagéré, l’interprétation est fluide, raffinée et légère malgré l’effectif relativement large. Cette légèreté respecte d’ailleurs l’intention de la compositrice qui l’a prescrite à de nombreuses occurrences sur la partition ou ses transcriptions. Le final éclaire d’une lumière radieuse à l’image de l’été remplaçant le printemps (ou du paradis se rapprochant dangereusement de la compositrice souffrante). Malgré la durée limitée de l’œuvre, les qualités qui animent la suite du programme sont déjà bien audibles, en particulier la structuration réglée et progressive des motifs comme des nuances, la précision et l’unité de l’orchestre.

Schumann, le chrysanthème : gravité et recueillement

Avec son effectif plus limité, le concerto pour violon de Schumann prend une dimension quasiment religieuse. Anja Bihlmaier ne précipite pas le tempo et l’amorce avec un volume modéré, au service de sa solennité. Les violons de l’orchestre par leurs traits aigus à la sonorité cinglante et presque baroque viennent contraster et ouvrir cette ambiance pour la définir encore mieux. Les accentuations sont pertinentes et renforcent l’intensité. La netteté des timbales apporte du relief à l’ensemble. Anja Bihlmaier guide ainsi les musiciens autant dans la qualité des textures et la pureté du son que vers la profondeur du sens qu’elle donne au concerto.

Brahms, la jacinthe : dense, capiteuse et colorée

La symphonie est du même niveau. La battue des timbales apposée nettement sur les évolutions du thème accroche l’auditeur dès les premières mesures. Les paliers sont homogènes dans les progressions. Les solistes de bois (Sandrine Tilly à la flûte et Chi Yuen Cheng au hautbois) apportent leur sensibilité dans leurs parties de l’andante sostenuto auquel ils s’intègrent avec naturel tout comme le premier violon (Jaewoon Kim) dont le jeu est empli de charme et de poésie. La gravité du premier mouvement est aussi prenante que les extases du quatrième, poussées par la force éclatante des cuivres. Les attaques sont marquées et ponctuent un phrasé qui trouve le parfait équilibre entre la densité générale du son et les moments de respirations. Le public applaudit chaleureusement les musiciens et la cheffe qui revient saluer plusieurs fois. Au terme du concert, un bouquet est apporté à Isabelle Mension qui prend sa retraite. Comme pour son collègue Tymoteusz Sypniewsk lors du dernier concert, quelques notes lui sont spécialement jouées par ses collègues altistes qui se regroupent autour d’elle.

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